La polémique autour du problème posé par le sarcophage d’Arles sur Tech est significative. Elle montre à quel point certains peuvent piétiner sans vergogne des principes dont ils se proclament, par ailleurs, les meilleurs défenseurs.
I ) LE DOSSIER
On peut voir à Arles sur Tech ( petite commune des Pyrénées Orientales) un sarcophage, nommé localement "Sainte Tombe" dont la présence est attestée depuis environ mille ans. Ce monument contient en quasi-permanence une grande quantité d’eau d’origine apparemment inconnue ce qui donne lieu à des manifestations religieuses (croyance en l’effet curatif de l’eau contenue dans la Tombe, pèlerinages).
Il s’agit bien d’un sarcophage c’est à dire d’un coffre, muni d’un couvercle, dont la forme et les dimensions ressemblent à celle d’un cercueil. Celui d’Arles sur Tech repose sur des supports qui l’isolent du sol, se trouve en plein air et à peut-être été, autrefois, protégé par un auvent si l’on se fie à la description donnée par Prosper Mérimée [1] :
"À gauche de la façade, sous une espèce d’auvent, on voit un tombeau fort simple, en pierre, avec le monogramme du Christ... Cette tombe est remplie d’une eau miraculeuse qui ne faut jamais, bien que le tombeau soit, dit-on, complètement isolé...".
C’est évidemment "en pierre" qui frappe le visiteur. En admettant que l’eau qui emplit le sarcophage tombe du ciel, au propre ou au figuré, comment pourrait-elle traverser "la pierre" du couvercle et des parois ?
II ) LA PREMIERE ETUDE
Etant acquis qu’il n’existe pas de tuyauterie clandestine on a pu prendre connaissance dans "LA HOUILLE BLANCHE" (numéro de décembre 1961), une revue destinée aux ingénieurs hydrauliciens, de conclusions à l’allure péremptoire : "Le couvercle du sarcophage est perméable, et l’eau de pluie y pénètre, met quatre à six jours en moyenne pour traverser la pierre, et s’écoule ensuite à l’intérieur". Un tableau de mesures et un graphique accompagnaient l’article. [2]
Ce travail sur le sarcophage est critiquable. Telle qu’elle est décrite la méthodologie utilisée semble grossière. Une analyse statistique des mesures publiées montre que – contrairement aux apparences résultant de la simple lecture empirique du tableau de nombres – ces mesures ne mettent pas en évidence une corrélation entre "hauteur d’eau de pluie" et "hauteur d’eau dans la sarcophage". Peut-être est ce pour cela que les signataires de l’article sur le sarcophage ont finalement affiché une prudence bienvenue : "Nos expériences n’ont pas permis d’apporter un jugement définitif". D’autres hypothèses, notamment celle de la condensation, sont d’ailleurs évoquées. En définitive l’apport essentiel de "LA HOUILLE BLANCHE" consiste dans la mise en évidence de la porosité du marbre dont est faite la Sainte Tombe.
Que les mesures disponibles ne permettent pas de valider l’hypothèse d’une corrélation entre "hauteur d’eau de pluie" et "hauteur d’eau dans le sarcophage" n’invalide pas cette hypothèse pour autant. [3] De plus, les informations fournies par "LA HOUILLE BLANCHE" ne se réduisent pas à cet ensemble de nombres. Des investigations purement physiques sont aussi rapportées comme déjà dit à propos de la porosité du marbre. Enfin les critiques méthodologiques évoquées ci-dessus peuvent être discutées. Il y a donc, en tout état de cause, matière à débattre autour d’une question qui s’énonce clairement : "En se basant sur l’étude de "LA HOUILLE BLANCHE" peut-on accepter l’hypothèse de l’eau de pluie ?". Et comment imaginer que la discussion pourrait ne pas respecter les règles de l’éthique scientifique, en commençant par le ton posé et le refus de l’ad hominem ?
III) LA POLEMIQUE
Le Professeur Henri Broch (physicien, Université de Nice) est connu en tant que leader de ces "sceptiques" toujours prêts à déclarer (arguments rationnels – ou prétendus tels - à l’appui) qu’en matière d’existence des phénomènes dits paranormaux rien n’est prouvé. Ces prises de positions s’accompagnent du rappel permanent des dures exigences de la véritable démarche scientifique.
Il est donc quelque peu étonnant d’apprendre en quoi a consisté une bonne partie de l’intervention de M. Broch lors d’un colloque qui s’est tenu en 1993 à la Cité des Sciences de La Villette. Le distingué universitaire a déclaré, allant plus loin que les auteurs eux-mêmes , que l’étude de "LA HOUILLE BLANCHE" permettait d’en finir une bonne fois : "En résumé : c’est l’eau de pluie qui remplit le sarcophage, cette eau met en moyenne 5 jours pour traverser le couvercle poreux du dit sarcophage et ce dernier capte environ 30 % de l’eau de pluie". [4]
Il est non moins surprenant de constater sur quoi M. Broch s’est essentiellement appuyé durant son exposé. Sur la partie la plus faible de l’étude de "LA HOUILLE BLANCHE" : le tableau de nombres et sa représentation graphique. Et en passant sous silence la question de l’analyse statistique de ce tableau [5] mais en projetant sur écran une version améliorée (par lui) du graphique comme s’il suffisait de montrer pour convaincre selon le principe dit de Thomas l’Apôtre.
Il est difficile, enfin, de ne pas se croire en plein cauchemar en apprenant, que par la suite, M. Broch n’a pas répondu aux correspondances de ceux qui voulaient le contredire. Il a préféré les accabler (entre autres sur Internet) d’arguments d’autorité et les invectiver (en employant un ton malheureusement fort peu élégant) le tout repris dans le livre "Devenez sorciers, devenez savants" (Odile Jacob, 2002) co-signé avec M. Georges Charpak, Prix Nobel. Les choses sont allées si loin qu’un tribunal a pu préciser (16 février 2005) que "une partie des propos ont exactement été qualifiés de diffamatoires".
Diverses informations confirment que M. Broch a adopté à d’autres reprises l’attitude consistant à traiter ses opposants par le silence ou (et) le mépris. [6]
Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés et certains donneurs de leçons rarement pressés de tenir compte des préceptes qu’ils énoncent. [7]