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CAMILLE FLAMMARION

dimanche 14 novembre 2010, par Yves Lignon

L’astronome Camille Flammarion (1842 - 1925) est l’un de ces intellectuels dont la vie et l’oeuvre ont contribué à créer en France (notamment dans la littérature populaire, le cinéma ou la bande dessinée) l’image archétypique du savant qui est en même temps un homme d’une grande sagesse. Un portrait souvent reproduit le montre vieillissant avec une chevelure et une barbe blanches et abondantes.

Entré comme élève - astronome à l’Observatoire de Paris à peine âgé de 16 ans Flammarion devait cependant en partir définitivement quatre ans plus tard (sans doute en raison d’un désaccord avec le directeur Urbain Le Verrier [1] ) et publier, presque immédiatement, son livre "La pluralité des mondes habités" [2]. La sortie de cet ouvrage marque le début de sa carrière de scientifique indépendant [3] aussi soucieux de recherche que d’éducation du public. Son mémoire sur la "Rotation des corps célestes" sera, en 1870, approuvé par l’Académie des Sciences puis la parution, en 1880, du livre "Astronomie Populaire" (suivie par la création, en 1882, de la revue "L’Astronomie" et la fondation en 1887 de la "Société Astronomique de France", toujours active de nos jours) lui vaudra une grande notoriété auprès de tous les publics.

L’oeuvre écrite de Camille Flammarion compte, en définitive et outre ses articles et notes, 15 livres d’enseignement de l’astronomie, 10 ouvrages scientifiques et 7 autres philosophiques, 6 textes purement littéraires et enfin 6 livres consacrés à la parapsychologie, ou plutôt comme on l’écrivait alors en France, aux études psychiques, publiés entre 1900 et 1923. Et comme tant d’autres à son époque Flammarion s’intéressait au paranormal par le biais de son adhésion personnelle à la doctrine spirite.

Contrairement au physicien Oliver Lodge (1851 – 1943) ou au romancier Arthur Conan Doyle,(1859 – 1930) - le père de Sherlock Holmes - par exemple, Camille Flammarion n’est pas venu au spiritisme à l’issue d’une évolution stimulée par des chocs affectifs. Il raconte dans ses "Mémoires" comment, dès l’âge de 7 ans, le passage d’un cortège d’enterrement lui avait donné l’occasion de déclarer à l’un de ses camarades qu’il devait y avoir "quelque chose" après la mort. Cette conviction prit la forme d’une certitude au moment de l’adolescence et c’est pour cela qu’il a pu prononcer un discours lors des obsèques d’Allan Kardec, en 1869. Sans remettre en cause son honnêteté intellectuelle et son sens de la rigueur on peut donc admettre que l’étude des phénomènes parapsychologiques avait, à ses yeux, pour objectif de fournir un fondement rationnel à sa croyance.

Si Camille Flammarion a participé activement aux séances organisées, au tournant du siècle, avec la fameuse médium italienne Eusapia Paladino, réalisant notamment des photographies de tables en lévitation, il ne s’agit là que d’une part mineure de sa production de chercheur en parapsychologie celle-ci étant essentiellement constituée par l’étude de récits rapportant des phénomènes spontanés. Il a ainsi publié, à partir de 1907, une série de livres réunissant des compilations analytiques dont le dernier "Les Maisons Hantées" est paru en 1923 (réédition en version abrégée, en 1970, dans la collection de poche "J’ai Lu - L’Aventure Mystérieuse" qui a connu alors un grand succès en France).

"Les Maisons Hantées" propose donc avant tout au lecteur une collection de témoignages le plus souvent très détaillés. Dans deux chapitres introductifs l’auteur explique d’abord (à partir d’exemples) pourquoi, selon lui, les phénomènes parapsychologiques, pris dans leur ensemble, peuvent constituer une preuve expérimentale de la survivance puis rappelle que bien que les hantises soient connues depuis l’Antiquité les récits les concernant doivent être considérés avec la plus grande prudence et souvent rejetés. Les cas qui font l’objet du livre et sont présentés par l’auteur comme authentiquement paranormaux n’ont donc été retenus qu’après un tri sévère. Les deux premiers de ces cas (rapportant des faits qui se sont produits à Paris en 1849 et 1860) ont par la suite souvent été cités par d’autres parce qu’ils mentionnent des jets de pierres et de projectiles divers (par exemple bûches en partie consumées en 1860).

Flammarion n’attend pas d’en arriver aux dernières pages pour exposer clairement sa thèse selon laquelle les phénomènes de hantises sont attribuables à des créatures invisibles qui peuvent être des humains décédés (il se place alors sous le patronage du britannique Frédéric Myers). Il fait cependant preuve en même temps d’une remarquable ouverture d’esprit en reconnaissant que "plus d’un phénomène de hantise peut être mis sur le compte d’une action à distance produite par la force psychique des vivants. Dans bien des cas c’est même tout à fait probable" (in "Les Maisons Hantées", chapitre 10). Flammarion n’évite pourtant pas la contradiction car cette hypothèse de l’action du psychisme d’un vivant est en effet parfaitement applicable au témoignage de Gabrielle Renaudot [4] qu’il interprète en terme de manifestation d’une personne décédée.

Pour conclure Flammarion s’attache à faire clairement comprendre à ses lecteurs la distinction entre son propre choix de conscience : "Je suis loin d’être opposé à l’admission des manifestations de morts ; tout au contraire" (in "Les Maisons Hantées", chapitre 10) et la nature du problème posé par les récits de hantises. Selon lui les témoignages authentifiés suffisent pour que les hantises, et plus généralement tous les phénomènes parapsychologiques, constituent un objet de science. Et pour en arriver là Flammarion n’hésite pas à rappeler que le philosophe matérialiste (et célèbre homme politique) Jean Jaurès a exprimé une opinion très proche de la sienne (dans "La réalité du monde sensible" en 1902) avant de citer le "Rapport à l’Académie des Sciences sur une pierre qu’on prétend tombée du ciel" de Lavoisier, document historiquement fameux parce que niant l’existence des météorites.

Notes

[1] Les biographes de Le Verrier, à qui la découverte de la planète Neptune par le calcul en 1846 avait valu une gloire immense, rapportent que son caractère provoquait d’incessants conflits avec ses collaborateurs.

[2] Titre qui, étant données les préoccupations de l’époque, n’a sans doute pas été considéré comme excessivement audacieux.

[3] Flammarion travaillait son observatoire personnel, construit dans la banlieue de Paris.

[4] Collaboratrice de Camille Flammarion (qu’elle devait épouser une fois le savant devenu veuf) l’astronome Gabrielle Renaudot (1878-1962) l’accompagna pour un séjour chez l’un de ses amis et se vit attribuer le lit de l’épouse décédée du propriétaire des lieux. Qui plus est la chambre était meublée avec des objets ayant appartenu à la défunte dont un grand portrait avait été placé en face du lit. Mademoiselle Renaudot écrit elle même : "J’en fus assez impressionnée". La première nuit (25-26 avril 1918) elle souffrit d’insomnies et les deux suivantes entendit des craquements (dans un mur et dans le lit), des bruits de pas et des coups violents frappés dans le portrait. Pour la nuit du 27 au 28 avril il existe un second témoin car Gabrielle Renaudot, effrayée, était aller demander à une domestique de venir lui tenir compagnie.