Enfin pas moi, du moins pas le premier. C’est l’un de mes interlocuteurs (journaliste, assistant à une conférence, auditeur d’une émission de radio) qui glisse fréquemment le mot ou l’ un de ses synonymes (irrationnel, magique….) dans une question : "Comment vous un mathématicien pur et dur, qui plus est un spécialiste en statistiques, habitué à collaborer avec des scientifiques travaillant en laboratoire, comment, diantre, pouvez vous vous intéresser à ces histoires de "voyants " ou de tables tournantes ? C’est du surnaturel voyons et vous vous affirmez rationaliste".

Ma réponse est fort simple. Ces phénomènes, et d’une manière générale tous ceux qui font l’objet de la parapsychologie scientifique, n’ont de surnaturel que l’interprétation qui en est donnée. Je les tiens, moi, pour aussi naturels que le beau temps succédant à la pluie et c’est pour cela que je peux les étudier sans contraintes intellectuelles.

Le mélange des genres date des beaux jours du spiritisme. On a trop oublié que cette religion - qui ne mobilise aujourd’hui les masses (sous une forme généralement syncrétique) qu’au Brésil et dans quelques autres régions de l’Amérique Latine - a longtemps connu (de 1850 à 1940 environ) un grand succès en Europe et dans les pays anglo-saxons. Sa doctrine a donc laissé des traces dans la mémoire collective et cette doctrine est construite à partir d’un dogme fort simple. Après la mort des êtres humains leurs "esprits" non seulement continuent d’exister mais, de plus, se manifestent par l’intermédiaire de certains individus les "médiums". Tout adepte du spiritisme peut donc parfaitement déclarer qu’une personne capable de prédire l’avenir (ou de décrire avec exactitude la personnalité d’un inconnu) n’est autre qu’un médium inspiré par un esprit. Dans ce cadre qualifier la prédiction de surnaturelle est parfaitement cohérent et c’est bien le souvenir inconscient de l’impact social du spiritisme qui fait qu’aujourd’hui encore une confusion persiste chez un grand nombre de nos concitoyens.

Seulement un scientifique, ès qualités ,ne s’intéresse pas au sens donné à un phénomène par une quelconque doctrine. Il étudie le phénomène, un point c’est tout. Pour paraphraser le regretté Professeur Chauvin, si chacun est libre de penser que Dieu ou le Diable utilisent les lois de la Nature (donc, par exemple, qu’une tempête est un châtiment venu du Ciel) le seul but du scientifique est de progresser dans la connaissance de ces lois. Quand Jean Dupont vient me raconter que son défunt Oncle Aristide lui est apparu en rêve pour annoncer que sa voisine allait gagner au tirage de l’Euromillions de vendredi prochain et que je constate que l’événement annoncé se produit la seule chose qui m’intéresse est de comprendre comment et pourquoi Jean a pu le savoir à l’avance. On m’accordera facilement qu’il n’est pas nécessaire, ni même utile, de parler de surnaturel dans ces circonstances et qu’on peut rationnellement laisser le tonton de côté.

PROCHAINE CHRONIQUE :

A propos d’un livre récent. Parapsychologie et services secrets.