G.E.E.P.P. / Notes biographiques

HOMMAGE

EN SE SOUVENANT DU PROFESSEUR REMY CHAUVIN

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Parce que j'ai eu la chance insigne d'être proche de l'homme et du chercheur en parapsychologie je ne dirai rien, ici, de son œuvre académique et de sa démarche philosophique. D'autres, plus qualifiés que moi, rendront hommage au grand savant et au grand universitaire. Et pour qu'il ne quitte jamais nos mémoires le mieux est de parler d'abord de son humour. Un humour intelligent, nourri de ses humanités gréco-latines, féroce et caustique quand il le souhaitait, le plaçant d'emblée cent coudées au-dessus de ceux de ses adversaires qui, voulant lui rendre la pareille, en restaient à patauger dans le comique troupier. Ce qui ne veut pas dire que ses amis étaient épargnés par ses traits, surtout quand ils commettaient quelque faute de langue !

Rémy Chauvin s'intéressa au paranormal quand "Le Matin des Magiciens" et "Planète" montrèrent que la Science pouvait et devait se débarrasser de sa carapace de dame patronnesse ronchon, corsetée depuis longtemps dans le dogmatisme scientiste, pour laisser apparaître une jeune compagne, belle et stimulante. Alors parce que nous lisions Chauvin nous fûmes, tout de même, un certain nombre, de la génération suivante, à vouloir qu'un scientifique soit un aventurier, assoiffé de terres nouvelles, plutôt qu'un épicier obnubilé par la gestion de la boutique de ses ancêtres. Et c'est à sa suite que nous embarquâmes sur la caravelle. Il utilisa des souris, on est biologiste ou on ne l'est pas, pour sa première belle expérience de parapsychologie en attribuant le compte-rendu (pourtant publié aux U.S.A.) à un nommé Pierre Duval, son collaborateur prenant, de son côté, le nom d'Evelyne Montredon (celui de sa grand'mère). A cette époque les scientistes savaient quand et comment saboter une carrière et ne se contentaient pas de diffamer, cachés derrière un Prix Nobel.

C'est encore Pierre Duval qui signa "Nos pouvoirs inconnus" (Encyclopédie Planète, 1963), livre de chevet de tous ceux qui découvrirent la parapsychologie scientifique au cours de ces années-là. Avant une copieuse première partie, due à Jacques Bergier, l'ouvrage s'ouvrait sur une préface de…Rémy Chauvin dans laquelle ce dernier estimait devoir garder ses distances avec certaines des prises de position de… Pierre Duval. Toujours l'humour. Les temps changeant il n'y eut plus besoin de masque pour publier deux suites : "Quand l'irrationnel rejoint la Science" (Hachette, 1980) et "La Fonction Psy" (Robert Laffont, 1991). Malheureusement les vents tournèrent encore et le dernier de ses grands ouvrages sur le paranormal : "Le retour des magiciens" (JMG éditions, 2002) n'a pas connu l'audience des précédents malgré un titre significatif. Dans ce livre il accordait, pour la première fois une large place à l'ufologie montrant que, nonagénaire, il n'avait rien perdu de son enthousiasme et de sa vigueur intellectuelle. N'en déplaise à ces quelques freluquets - prétendant, à l'époque, représenter la vague montante de la parapsychologie en France mais aujourd'hui déjà oubliés - qui eurent l'impudence, lors d'une réunion parisienne, de vouloir suggérer explicitement, en sa présence, le contraire.

Pendant des années les étudiants entrant dans mon bureau ont pu voir, au mur, une photo prise en 1988 pendant le Congrès de Parapsychologie de Toulouse, le premier organisé en France depuis des lustres. Rémy Chauvin souriant, à demi incliné, remercie l'assistance qui vient de le saluer par une standing ovation et tant d'autres images se bousculent dans mon tiroir à souvenirs… Notre rencontre, ce jour de mai 1974 où, après une longue correspondance, il vint porter sur les fonts baptismaux le Laboratoire de Parapsychologie de Toulouse… Une mémorable soirée télévisée quand, d'un même élan, nous manquâmes quitter en direct le plateau… Et encore, cette grand'messe scientiste, à la Cité des Sciences de La Villette, en 1993. N'ayant pas, on s'en doute, été admis à la tribune nous attendîmes le dernier moment pour pénétrer dans la salle presque pleine et aller nous asseoir au premier rang en causant la sensation qu'on devine. Quelques minutes plus tard il devait se lever pour interrompre, d'une voix de stentor, un orateur en train de m'insulter.

Durant plus d'un quart de siècle nos échanges privés ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion de se nourrir de bien autre chose que de parapsychologie. C'est pourquoi, à un journaliste qui me disait un jour : "Le Professeur Chauvin a l'allure d'un gentleman", j'ai pu répondre que j'étais bien placé pour savoir qu'en l'occurrence les apparences ne mentaient pas.

YL, décembre 2009.


IN MEMORIAM

PROFESSEUR REMY CHAUVIN
(10 octobre 1913 - 9 décembre 2009)

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Extrait de "Parapsychologie : le dossier" de Jocelyn Morisson et Yves Lignon (éditions Les 3 Orangers, 2OO7)
suivi de la préface à la première des trois versions (rédigée par Yves Lignon) seul de ce livre (1988).

Les chercheurs débutants ou, plus simplement, les esprits curieux qui découvrent l'existence des problèmes posés par la parapsychologie méconnaissent souvent l'œuvre de Rémy Chauvin. On ne leur en fera pas grief puisque, aujourd'hui plus que nonagénaire, cet éthologiste, ancien professeur à la Sorbonne dont il dirigeait le Laboratoire de Sociologie Animale, vit désormais retiré. Il s'agit pourtant de la figure majeure de la parapsychologie scientifique en France durant la seconde moitié du XXe siècle.

Né en 1913, Rémy Chauvin est donc d'abord un universitaire prestigieux ayant consacré sa carrière à l'étude des hyménoptères sociaux (abeilles, fourmis, etc…) mais il est difficile de parler de spécialité à propos d'un esprit aussi ouvert. C'est ainsi que, dans "Les surdoués" (éd. Stock, 1968) il a été le premier en France à attirer l'attention sur les particularités du comportement intellectuel de certains enfants. Auteur de plus de 25 livres (avec des traductions en 11 langues dont le japonais), allant de l'ouvrage universitaire au roman de science-fiction en passant par la vulgarisation scientifique, la sociologie des sciences et la réflexion philosophique, M. Chauvin a signé au moins 200 publications scientifiques et dirigé des thèses pendant plus de 35 ans.

Ayant découvert la parapsychologie, aux alentours de 1955, grâce aux travaux de Rhine le professeur Chauvin s'est alors rendu (seul français à l'époque - et l'un des très rares encore aujourd'hui - pouvant se targuer d'avoir effectué une telle démarche) dans le laboratoire dirigé par celui-ci afin de procéder à la réplication de certaines expériences. Continuant dans cette voie à son retour en France il a pu faire paraître par la suite 6 articles (dont en 1968 le fameux "ESP experiment with mice") dans "The Journal of Parapsychology", la revue de Rhine.

Ce voyage est à l'origine de la publication de "Nos Pouvoirs Inconnus" (Encyclopédie Planète, 1963). C'est un livre ne manquant pas d'humour en ce sens qu'il est signé (par précaution en vue d'éviter les polémiques ou les coups bas) du pseudonyme Pierre Duval mais avec une préface de… Rémy Chauvin expliquant qu'il n'est pas forcément d'accord sur tout avec l'auteur ! Dans ce livre Rémy "Pierre Duval" Chauvin se révèle brillant pédagogue capable d'exposer avec beaucoup de clarté, à l'intention du profane, des questions très techniques et de discuter pied à pied, sans être abscons, les critiques les plus pointues.

Ultérieurement le professeur Chauvin a écrit "Quand l'irrationnel rejoint la science" (éd. Hachette, 1980) dans lequel il expose pourquoi, selon lui, il est nécessaire de dépasser la problématique de Rhine (avec un grand chapitre consacré aux tables "tournantes") et "La fonction Psy" (éd. Robert Laffont, 1991) centré sur les possibilités d'applications pratiques de la parapsychologie. Récemment il s'est penché sur la transcommunication (voir ce mot) et, dans "Le retour des magiciens" (éd. Jean_Michel Grandsire, 2002), a montré son intêrêt pour les OVNIS tout en répondant aux arguments anti-parapsychologie d'un Prix Nobel.

Intellectuellement libre, modeste et serein Rémy Chauvin est ainsi devenu, en un demi-siècle, l'auteur d'une œuvre constituant une référence obligée pour qui pense que la Science, moyen de connaissance par excellence, se pervertit dès qu'elle dérive vers l'idéologie.

PRÉFACE. (1988)

Enfin un livre sur la parapsychologie qui ne ressemble pas à ceux qui encombrent honteusement le marché... Un livre qui répond à la question que je pose non sans une certaine angoisse, depuis tant d'années, comment éduquer le public ? Car enfin, si tant de nos contemporains et spécialement parmi les plus jeunes lisent sans discernement d'absurdes calembredaines qui pourraient abîmer gravement leur santé, n'est-ce pas la faute à l'Université qui a toujours refusé d'instruire les étudiants en ces matières ? C'est un état d'esprit moyen-âgeux qui nous rappelle le tabou de certaines lectures dans l'Eglise Catholique : certains livres étaient mis à l'index, ce qui avait hélas ! pour principal effet d'attirer la curiosité de leur côté. Lorsque les maîtres de la jeunesse lui disent de ne pas aller du côté de ce qu'ils appellent (si drôlement) les fausses sciences, ils ne sont pas crédibles. Et la preuve de leur non crédibilité, c'est leur inefficacité totale. Je crois que nous devrions dire au public, non pas tout est faux dans ces sujets qui vous intéressent si passionnément mais : il y a beaucoup d'ivraie mélangée à du bon grain. Alors nous allons vous apprendre à distinguer les deux, c'est là une position raisonnable, dégagée des superstitions rationalistes. C'est la position que l'Université aurait dü prendre. Et bien que beaucoup de ses membres admettent dans le privé qu'il faudrait agir ainsi, personne n'ose se décider franchement à se comporter suivant les lois de la raison et de l'efficacité. C'est bien regrettable.

Le livre de Lignon s'efforce de combler cette lacune. Il est conçu suivant un plan intéressant et original : c'est en quelque sorte un livre européen en ce sens qu'il diffère profondément des innombrables livres américains sur le sujet (dont certains forts bons d'ailleurs). En effet, c'est en Europe qu'on a commencé à s'intéresser à ces matières. Rhine était fort de mes amis mais il n'était pas le premier à se mêler de tout cela. Il y a eu avant lui Richet et la glorieuse société londonienne pour les recherches psychiques. On les a tous oubliés, on ne les lit plus et les américains font pratiquement commencer la parapsychologie à Joseph Banks Rhine. Or il m'est arrivé de fouiller dans ces vieux livres. Et savez-vous que l'ouvrage (introuvable) du docteur Geley "Connaissance Paranormale" est un maître livre, un résumé prodigieux de ce qu'ont fait nos grands-pères en matière de métapsychique comme on disait alors ? Et malgré la pauvreté des moyens d'alors, certaines expériences étaient conçues et réalisées de main de maître et irréprochables : après tout, ce sont les gens de cette génération-là qui ont créé la science moderne. Donc, que Lignon soit remercié de ne pas les oublier.

Mais Lignon examine aussi honnêtement et souvent fort en détail qui étaient ces gens qui ont crée la parapsychologie moderne et dont beaucoup sont encore en fonction. Lignon fait lumineusement ressortir le fait que ce ne sont pas des sorciers ni des magiciens noirs comme une certaine presse feint de le croire pour mieux les discréditer : ce sont simplement des hommes de science audacieux qui essaient obstinément et modestement d'aller de l'avant, sans craindre les dinosaures égarés dans le désert rationaliste. Sans doute, comme tous les hommes ils sont sujets à l'erreur : on ne dira jamais assez qu'ils sont les premiers à le reconnaître, comme Rhine quand il a averti tout le monde que le directeur de son Institut avait fraudé (alors qu'il pouvait se contenter de le congédier discrètement).

Enfin, Lignon étudie aussi quelques grandes directions de la parapsychologie d'aujourd'hui : elle a évidemment bien changé depuis Rhine et ses cartes de Zener. Maintenant les ordinateurs sont entrés en jeu, là comme partout et notre horizon s'est considérablement élargi. Nous sommes à l'aube des applications, si elles n'ont pas déjà commencé. Lignon l'explique avec beaucoup de clarté, résultant d'une longue pratique et du combat qu'il mène depuis tant d'années pour faire reconnaître la parapsychologie à l'Université. Combat qu'il n'a pas encore gagné. Mais tout de même, désormais quand les étudiants viendront, comme tous les jours, nous demander de les éclairer en ces matières, nous pourrons leur répondre : lisez Lignon !

Rémy Chauvin

Professeur honoraire à la Sorbonne


NECROLOGIE

Docteur Jacques Benveniste décédé le 2 octobre 2004 à la suite d'une opération chirurgicale.

Ce grand savant, médaille d'argent du CNRS, considéré comme nobélisable grâce à sa découverte de la molécule PAF - Acether (qui joue un rôle dans le déclenchement de certaines crises d'asthme) n'avait cependant accédé à la notoriété qu'après la publication dans "Nature" des résultats des expériences dites de "la mémoire de l'eau". Chez l'homme la passion pour la science allait de pair avec un rejet violent de toutes les formes d'obscurantisme comme s'en souviennent ceux qui ont pu l'entendre s'exprimer, à plusieurs reprises, à la tribune du festival "Sciences Frontières".

Ami du GEEPP il avait rencontré notre groupe pour la première fois en 1989 puis participé, avec S.Fuzeau-Braesch, R.Peoc'h et JJ Velasco , au colloque "Quatre problèmes dits aux confins de la science" que nous avons organisé à Toulouse en 1996. Je lui dois personnellement d'avoir pu publier, en 1992, mon livre "L'autre cerveau" et c'est publiquement qu'il m'a apporté son soutien lorsque j'ai été mis en cause dans un ouvrage à succès, en 2002.

La carrière et les travaux de Jacques Benveniste sont présentés sur http://www.digibio.com

Le chapitre qui lui est consacré dans "Les dossiers scientifiques de l'étrange" est mis en ligne dans la rubrique "ressources".

Y.L.


NECROLOGIE

 

Robert Morris

Directeur du Laboratoire "Koestler" de Parapsychologie de l'Université d'Edimbourg

Nous apprenons le décès brutal, survenu le 12 août 2004 à l'âge de 62 ans, de Robert "Bob" Morris, directeur du Laboratoire "Koestler" de Parapsychologie de l'Université d'Edimbourg depuis son ouverture en 1985. Ce laboratoire a été fondé grâce à un legs du célèbre romancier Arthur Koestler et son existence, aux côtés de plusieurs autres, confirme que dans les pays anglo-saxons la parapsychologie peut être prise scientifiquement au sérieux.

Les premiers résultats marquants de "Bob" Morris ont été obtenus au cours d'expériences sur la "sortie hors du corps" réalisées aux U.S.A ( voir une présentation de ces travaux dans L.Benhedi et Y. Lignon : "La vie derrière la vie ?", éditions Michel Lafon, 1998) mais dès son installation à Edimbourg il devait s'intéresser à la télépathie en état altéré de conscience grâce aux expériences dites de type "Ganzfeld" conçues par Charles Honorton, lui aussi trop tôt disparu (voir Y. Lignon : "Introduction à la parapsychologie scientifique", éditions Calmann-Lévy, 1994) et qui a été l'un des plus brillants et des plus novateurs chercheurs en parapsychologie de la fin du XXème siècle.

Pour le non-spécialiste ces expériences, techniquement assez complexes, ont ceci de remarquables qu'elles ont donné lieu (ailleurs qu'en France du moins) à de véritables débats scientifiques, donc sans polémique et dans le respect des personnes, avec ceux qui se qualifient de "sceptiques" plusieurs de ces derniers reconnaissant d'ailleurs que les résultats posaient bien un problème.

Robert Morris n'a pas été, comme on a pu le lire à tort dans un quotidien, l'un des pères fondateurs de la parapsychologie (puisqu'il y a plus d'un siècle que l'étude des phénomènes parapsychologiques a débuté) mais l'un de ceux qui l'ont faite le plus progresser au cours des dernières décennies. En effet si d'une part il a dirigé des programmmes de recherches profondément originaux son action à énormément contribué à faire reconnaître la parapsychologie pour ce qu'elle est : une discipline scientifique tout simplement. C'est donc sans hésitation qu'on peut souscrire à la déclaration de Mario Varvoglis, président de l'Institut Métapsychique : "C'était l'une des plus grandes figures de la parapsychologie moderne et certainement le parapsychologue le plus influent en Europe ces vingt dernières années".

Ayant eu l'occasion de rencontrer quelquefois Robert Morris lors de colloques (et même de dormir dans le même hôtel que lui) j'ajouterai, à titre personnel, que ce grand savant était un homme simple et très ouvert mais aussi un joyeux compagnon pour qui la pratique de la science ne saurait être rébarbative et ne peut se concevoir sans enthousiasme, modestie et capacité de se remettre en question.

Yves Lignon

Remarque : une interview de Robert Morris réalisée en 2003 est disponible sur le site


NECROLOGIE

 

Jean-Pierre Vigier, physicien

Les lecteurs du "Monde" daté du samedi 8 mai 2004 ont appris le décès, à l'âge de 83 ans, du physicien Jean Pierre Vigier. La nécrologie, rédigée par le Professeur J.C. Pecker, rend un chaleureux hommage à un chercheur que "Sciences et Avenir" (janvier 2002) rangeait (aux côtes entre autres de Jacques Benveniste ou Fred Hoyle) parmi les "hérétiques de la science". Les premières lignes de l'article qui lui a alors été consacré (dossier réalisé par J.P. Lentin) sont significatives :

"J.P. Vigier est-il un savant fou ? C'est ce que pense un bon nombre de ses confrères en France. Est-ce le plus grand physicien français vivant ? C'est l'opinion de chercheurs américains qui ont organisé ces dernières années, trois symposiums en son honneur".

Ayant participe activement à la Résistance J.P. Vigier adhère, à la Libération, au Parti Communiste Français (dont il sera exclu une vingtaine d'années plus tard) tout en débutant une carrière militaire qui devait tourner court avec les débuts de la décolonisation.
Après avoir obtenu un doctorat de physique et un autre de mathématiques dans des conditions matérielles difficiles (1) il entre au Commissariat a l'Energie Atomique mais, en raison de ses opinions politiques, se voit refuser le visa qui lui aurait permis de devenir l'assistant d'Einstein. Collaborant alors avec Louis de Broglie il fait, en 1951, la connaissance de David Bohm (2) et s'engage à ses côtes dans l'opposition à Niels Bohr et à l'Ecole de Copenhague prenant ainsi une position qu'il défendra jusqu'à la fin de son existence :

"C'est le grand combat de ma vie. Le monde est une machine causale. Il existe une réalité, extérieure à nous, avec des trajectoires, des particules dans l'espace-temps, indépendantes du fait que je les observe" (3).

Au cours des années 60 on parlera surtout de J.P. Vigier comme militant politique notamment en raison de ses prises de position contre l'intervention américaine au Viet-Nam. A la même époque pourtant il commençait de s'opposer à l'hypothèse du Big Bang. Durant la dernière vingtaine d'années il a remis à l'ordre du jour la théorie de l'éther (et s'est intéressé également à la fusion froide). C'est après avoir lu un intéressant article publié sur ce sujet par le Professeur Pecker (4) et l'avoir mis en parallèle avec un texte de M. Andry-Bourgeois traitant de la même question en citant les mêmes travaux expérimentaux (5) mais paru en ... 1927 dans la "Revue Metapsychique" (6) que j'ai essayé sans succès d'entrer en relation avec M.Vigier.(7)

Après le fameux "Colloque de Cordoue" les échanges (ca 1980) d'une haute tenue et d'une grande densité (notamment dans les colonnes du "Monde") entre O. Costa de Beauregard et J.P. Vigier avaient montré que ce dernier ne se rangeait pas - comme on pouvait d'ailleurs déjà s'en douter - parmi les tenants de l'authenticité des phénomènes parapsychologiques. Par contre, en 1982, l'intervention de M.Vigier dans l'émission télévisée de Roger Pic : " La parapsychologie a l'université" s'est révélée très décevante.

Il n'en demeure pas moins que les chercheurs en parapsychologie ne peuvent méconnaître les travaux du grand physicien qui vient de disparaître. On pourra donc lire, en première approche, un article de David Pratt (8) rendant compte d'une compilation réunissant 22 articles : "J.P. Vigier and the Stochastic Interpretation of Quantum Mechanics". (9). On trouve entre autres dans cette longue (4 pages) note de lecture (dont l'auteur conclut sans hésiter : "Vigier's book is an important contribution to the debate on fundamental aspects of quantum physics") la citation suivante :

"In my opinion the most important development to be expected in the near future concerning the foundations of quantum physics is a revival of the ether concept..."... Andry-Bourgeois n'écrivait pas, en substance, autre chose en 1927.


Marie-Christine Lignon

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(1) "J'ai même vendu des tracteurs", (Science et Avenir, op.cit.).
(2) "Un des plus grands physiciens de l'histoire. C'est aussi le meilleur ami que j'ai jamais eu", (Science et Avenir, op.cit.).
(3) Science et Avenir, op.cit.
(4) "Des expériences de Michelson a la controverse actuelle sur le Big Bang", Sciences et pseudo-sciences, 240, décembre 1999.
(5) Ceux de Michelson et Morley et ceux de Morley et Miller.
(6) "Existence de l'éther", Revue Metapsychique, 1927, numéro 6. Une version abrégée de ce document sera prochainement mise en ligne sur le site : http://geepp.free.fr
(7) Cette démarche n'a pas abouti mais très probablement seulement pour des raisons matérielles. Je remercie les membres de l'Association Francaise d'Information Scientifique qui ont alors bien voulu servir d'intermédiaires.
(8) The Journal of Scientific Exploration, 16 -2, Summer 2002.
(9) Montreal (Ca), Apeiron, 2000. ISBN 0-968389-5-6.


 
NECROLOGIE

Marcello Truzzi (1935-2003)
d'après l'article de James Mc Clenon,"Journal of Parapsychology", vol 67, N° 1, Printemps 2003

Victime d'un cancer, le sociologue universitaire M. Truzzi, membre associé de la Parapsychological Association, était connu comme un sceptique non extrémiste. Très attaché au développement des échanges et des discussions entre les parapsychologues et leurs opposants il publiait depuis 1978 "The Zetetic Scholar" après avoir rompu avec la tendance la plus radicale de son courant de pensée. Les débats dont les colonnes de ce journal ont été le cadre ont permis à la recherche en parapsychologie d'effectuer d'intéressants progrès méthodologiques.
Auteur d'ouvrages d'enseignement M. Truzzi a aussi signé (seul ou en collaboration) des livres destinés au grand public dont les titres (tels que "The Complete Idiot's Guide to Extraterrestrial Intelligence", 1999) témoignent àeux seuls de son sens de l'humour.
Arrivé aux USA en 1940 il était né à Copenhague dans une célèbre famille d'artistes de cirque et était resté profondément attaché à son milieu d'origine.